Qu’est-ce qu’elles sont émouvantes ces images qui vont faire le tour du monde…
À Paris, à Marseille, dans toutes les grandes villes, ces cortèges d’hommes et de femmes de tout âge, de toutes couleurs, l’air grave, réunis dans une même émotion. Ces pancartes levées par millions « je Suis Zyed, je suis Bouna ».
Ce premier ministre, au bord des larmes, qui s’interroge à haute voix : « quel est donc ce pays où la police tue nos enfants, les enfants de la République ? ». Sur les plateaux télé, des éditorialistes de droite se demandent ce qui cloche dans notre « vivre ensemble » pour que des jeunes, à la vue de policiers, partent en courant.
Des sociologues de gauche répondent, sur d’autres plateaux « mais pourquoi donc des policiers courent après ces jeunes ? ».
Des personnalités du monde entier, des chefs d’État au bilan démocratique contestable, se précipitent pour être sur la photo à Paris. Le tout Paris, intellectuels à la gâchette, humoriste de plateau télé, chanteurs et sportifs se joignent au cortège. Partout le même souffle : « je Suis Zyed, je suis Bouna ».
Le premier ministre, à qui personne n’avait rien demandé, invite la droite « à rejoindre les cortèges citoyens ». Le FN ne sera pas le bienvenu. Djordje Clooney, lors de la remise de l’Emmy machin ou du Golden truc se penche sur son pupitre, grave, tenant d’une main son Nespresso, de l’autre le micro et, en français : « Je souis Dzyed, dje souis Bouna ». Émotion.
Le ministre de la matraque donne des consignes : il ne laissera aucun policier contester ou interroger la minute de silence dans les commissariats. Alliance, le syndicat de matraqueurs d’extrême-droite déclenche une polémique en évoquant de possibles circonstances atténuantes pour les policiers assassins. Dieudonné, à peine sorti du Palais de justice pour une autre affaire, diffuse sur la toile un « ce soir j’ai envie de dire que je me sens transfo. » qui le renvoie illico en garde à vue.
Le Herald titre sur cette leçon de démocratie qui vient du vieux continent : « On ne laisse pas mourir dans l’indifférence deux enfants parce qu’ils sont noirs ou arabes : C’est ça le vivre-ensemble ”à la française” ».
À ce moment, au prix exorbitant de ces deux morts, dans toutes les villes, tous les quartiers, tout le territoire national, devant cette démonstration à grande échelle que non, il n’y a pas deux poids deux mesures , on se sent une même communauté de destin.
Mais en fait, non.
C’est pas ça qui s’est passé.
Mathieu Colloghan