Un très large ensemble de collectifs, de personnalités, d’universitaires et d’élu·es, en solidarité avec le peuple Kanak, prend position pour la libération immédiate des militants arrêtés et affirme que « l’État français est directement responsable de la situation actuelle en Kanaky / Nouvelle-Calédonie ». kanaky-nouvelle-caledonie
L’État français est directement responsable de la situation actuelle en Kanaky / Nouvelle-Calédonie. Aujourd’hui les droits et libertés du peuple Kanak sont à un tournant historique.
La Kanaky / Nouvelle-Calédonie n’est pas un territoire français
Colonisé en 1853 par la France, l’archipel de Kanaky / Nouvelle-Calédonie est, depuis fin 1986, réinscrit sur la liste des territoires à décoloniser établie par l’ONU. C’est un « territoire non-autonome », selon l’article 73 de la Charte des Nations Unies. Son peuple dispose du droit à l’autodétermination et à l’indépendance, conformément aux résolutions 1514 et 1541 de décembre 1960.
L’ONU reconnaît le droit à l’autodétermination « interne » au peuple Kanak de Nouvelle-Calédonie, en tant que population autochtone bénéficiant d’une protection juridique particulière. En application de la résolution 2625 de l’Assemblée générale de l’ONU, la Nouvelle-Calédonie dispose d’un « statut séparé et distinct » par rapport à la France. Le territoire relève du droit international et est « sous responsabilité française ». La France n’est que puissance administrante et doit rendre des comptes à l’ONU jusqu’à l’aboutissement du processus de décolonisation.
Le processus de décolonisation s’est traduit par différents accords suite à la période sanglante des années 80, dont le dernier, l’accord de Nouméa, dans lequel le FLNKS (Front de Libération National Kanak et Socialiste) est une des parties, doit mener au bout de trois référendums à l’autodétermination et à l’indépendance.
Un référendum volé
De fait, contre les attentes du gouvernement et des anti-indépendantistes, lors du deuxième référendum en 2020, l’indépendance ne s’est jouée qu’à 9000 voix. L’État français a pris peur et a imposé le troisième référendum du 12 décembre 2021 en pleine pandémie de Covid, et cela malgré la demande unanime de report de l’ensemble des courants indépendantistes. Ils ont donc appelé à la non-participation, très largement suivie. Le peuple Kanak ne s’est donc pas exprimé « dans le respect de sa volonté libre et authentique ».
Loi sur le dégel du corps électoral : la goutte d’eau de trop
L’État français, a fait reporter les élections provinciales avec une première loi organique, pour pouvoir imposer le dégel du corps électoral et faire entrer près de 25000 nouveaux électeurs, principalement métropolitains.
Le passage en force de cette loi a fait monter les tensions dans le pays. Malgré les alertes, les parlementaires sont responsables de l’actuel embrasement de la Kanaky / Nouvelle-Calédonie après avoir décidé, à près de 20000 km de l’avenir de tout un peuple.
Le même jour, Nouméa et sa périphérie se sont embrasées, suite à des tirs de flash-ball par des policiers sur des jeunes Kanak qui portaient des drapeaux.
Répression coloniale et milices racistes
La réponse de la jeunesse a été le prétexte pour une répression violente des quartiers populaires de Nouméa, composés en majorité d’habitant∙es Kanak et Océaniens. L’archipel a été militarisé avec l’arrivée de milliers de gendarmes, dont le GIGN, en plus des 4000 militaires déjà présents.
Des milices racistes et armées agissent en toute impunité en tirant sur des manifestants indépendantistes, assassinant des jeunes Kanak et occasionnant de nombreux blessés. Des élus locaux de la droite loyaliste ont soutenu, sur les réseaux sociaux, les actes de ces milices armées qui pratiquent de véritables chasses à l’homme. Des groupes armés circulent en pick-up, provocant et agressant des jeunes Kanak ou Océaniens.
Ces morts s’apparentent à des exécutions extrajudiciaires. La fin des milices, leur désarmement et une enquête de l’ONU sont une nécessité
La suspension de la loi sur le dégel du corps électoral, imposée par le soulèvement de la jeunesse Kanak et la dissolution de l’Assemblée Nationale n’est qu’une étape : il faut l’abroger. Aujourd’hui tout reste à faire, car la répression continue et aucune solution politique n’est proposée en réponse aux aspirations du peuple Kanak.
L’arrestation et la déportation des leaders indépendantistes mobilisés depuis des mois dans la CCAT, avaient été précédées d’une criminalisation et d’accusations publiques à leur encontre de la part du Haut-Commissaire de Nouvelle-Calédonie et du ministre Darmanin.
Cette vision paranoïaque et raciste qui nie les conséquences politiques des choix gouvernementaux derrière des accusations de manipulations étrangères ou « mafieuses » a conduit l’Etat français à renouer avec les pires pratiques coloniales et à enfermer à 20 000 km de chez eux des dirigeant∙es politiques de premier plan, ainsi que plusieurs dizaines de militant∙es, déportés dans les prisons françaises sans que parfois leurs familles mêmes ne soient informées.
Les 11 dirigeant∙es de la CCAT ont été mis en examen sous des chefs d’inculpation criminels sans aucun lien avec leur activité politique et sur la base de dossiers vides et d’accusations sans fondement. Cinq d’entre eux sont déportés en France et placés à l’isolement. Deux militantes après avoir été emprisonnées sont aujourd’hui assignées à résidence en France loin de leurs familles et enfants.
Après ces élections législatives qui ont vu les Français voter massivement contre l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement d’extrême droite, nous, militants et militantes de la solidarité avec le peuple Kanak demandons à tous les partis politiques, les syndicats, les associations et mouvements anti coloniaux et antiracistes de prendre position pour la libération immédiate des militants arrêtés, tant en Kanaky / Nouvelle-Calédonie que de ceux qui ont été déportés en France, et de s’engager à soutenir l’ouverture d’un véritable dialogue pour un accès garanti à l’indépendance qui seul peut faire revenir la paix.