Les services publics, qui tiennent une place spécifique en France, sont restés pendant très longtemps une sphère distincte du marché, fonctionnant selon des règles d’utilité publique. La nécessité pour le capitalisme d’étendre le domaine du marché entraîne un changement radical dans cette conception, des services publics vers « les services au public ».
La bataille menée par les forces du capital contre les services publics prend des formes diverses :
– imposer les règles de gestion comptable et des calculs de rentabilité à court terme
– opposer l’ »équité » à l’égalité et à la solidarité,
– combiner privatisations et marchandisation à outrance avec une once de capitalisme compassionnel en faveur des plus pauvres,
– asphyxier les services publics en comprimant les budgets et en supprimant des emplois, puis tirer argument de la dégradation du service rendu pour dégrader encore plus, et amplifier le processus de privatisation.
Après les années de diète du quinquennat Hollande, le programme de la Droite pour 2017 annonce une offensive frontale. Car nous vivons ce que les institutions financières et les ultra-libéraux caractérisent comme une « fenêtre d’opportunité », un moment historique pour imposer politiquement aux peuples des mesures radicalement antisociales. Les services publics, le système de protection sociale sont directement menacés par cette offensive.
Celle ci est menée au niveau mondial : les directives européennes, les politiques de démantèlement menées en France vont dans le même sens.
Et les projets d’accords transatlantiques -TAFTA notamment- négociés par la commission européenne sont lourds de menaces en ouvrant à la concurrence la plupart des secteurs actuellement gérés par des services publics.
Une autre démarche dans le sens de la privatisation, le partenariat public-privé (PPP) par lesquels le secteur public confie au secteur privé l’ensemble d’un projet, de son financement à son exploitation, a été créé en 2004. La collectivité perd ainsi sa compétence de maître d’ouvrage et devient dépendante du partenaire privé, reportant les financements des grands investissements sur des coûts à long terme difficilement contrôlables. Cette démarche ouvre la voie à la marchandisation de nombre de grands projets et de grands équipements, entraînant la socialisation des risques, notamment des surcoûts, et la privatisation des profits.
Nous devons mettre en échec un projet de société où tout doit être mis en concurrence, tout doit rapporter, tous les aspects de la vie doivent être marchandisés. Un projet où le rendement financier à court terme est le seul critère accepté.
Pourquoi nous défendons les services publics.
Pas par nostalgie d’un « âge d’or » : nous les défendons parce que, même dégradés, ils restent un outil d’action publique en défense du bien commun, ils sont eux-mêmes un bien commun, accessible à tout
es et tous. Ce sont souvent les outils de mise en œuvre des orientations politiques de développement des territoires.
Réduisant les inégalités, ils freinent la dislocation de la société, en particulier dans les villes et quartiers populaires et dans les zones rurales délaissées par la compétition entre territoires. Cependant la politique menée ces dernières années a amorcé la désertification des services publics dans bien des lieux, que ce soit des zones rurales, ou des quartiers urbains jugés difficiles. L’abandon qui en résulte crée la précarisation et la misère et s’ajoute aux discriminations. La perte du « salaire social », des facilités de la vie quotidienne, précarisent de larges secteurs de la société et accentuent le sentiment d’abandon.
Les services publics sont le patrimoine commun des classes populaires. Nous luttons pour qu’ils ne soient pas bradés au secteur marchand, et pour qu’ils bénéficient des moyens permettant l’exercice de leurs missions dans des conditions permettant à toutes et tous d’y accéder.
Les dégâts des privatisations sont connus.
La pression de la technocratie d’Etat et de modes de gestion inspirés de ceux du privé dégrade les services publics.
Elle facilite les processus de privatisation en divisant et précarisant les personnels, en contribuant à la dégradation du service rendu, et elle rend opaque les décisions.
Le discours de la compétitivité, de la libre concurrence, se concrétise par la hausse constante des tarifs, les inégalités entre territoires, et la gestion aléatoire des risques…
La mobilisation pour les services publics a besoin d’un large front social et politique. Cette mobilisation durable est vitale dans les quartiers populaires et les secteurs ruraux sacrifiés à la logique capitaliste. Chaque lutte contre la liquidation d’un service à la population, chaque collectif de défense, chaque initiative alternative, s’inscrit dans un mouvement global en construction.
Mais la lutte nécessaire contre les privatisations passe aussi par la mise à plat des contradictions :
Par exemple, pour sortir du nucléaire et inventer un nouveau modèle énergétique, nous nous confrontons aux nucléocrates privés…et publics. Et nous défendons une gestion publique locale des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, biomasse, etc.) et des déchets sous forme de régies publiques ou de Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC).
La réponse alternative c’est la pleine participation des salarié.e.s et usager.e.s, c’est la définition autogestionnaire d’objectifs sociaux et écologiques pour les territoires
Pour défendre les services publics, nous devons les reconquérir.
La présence au sein de leurs instances de direction de représentant.e.s des salarié.e.s des usager.e.s et d’élu.e.s locaux est indispensable, pour agir, dans la transparence, dans le sens de l’égalité sociale et de l’ écologie et d’un développement équilibré rompant avec la concurrence exacerbée entre les territoires.
La diversification des formes d’appropriation collective est possible :
– nationalisation des services en réseau (énergie, transports ferroviaires) et socialisation du secteur bancaire, sous contrôle populaire et citoyen.
– mise en place de services collectifs publics par des collectivités locales ou des initiatives populaires (crèches, maisons des associations, maisons des chômeurs, centres sociaux, centres de soins…)
Pour une nouvelle vision des services publics.
La centralisation nécessaire pour donner cohérence au réseau des services publics ne doit pas corseter, mais apporter des lignes directrices et établir les solidarités. Des adaptations aux diversités sociales et territoriales sont nécessaires. L’égalité est compatible avec l’affectation de moyens spécifiques au bénéfice des secteurs ou populations les plus fragilisés, c’est notamment le cas pour l’Ecole.
L’extension du champ des services publics permettra de privilégier les solidarités et les priorités sociales et écologique, plutôt que le chacun pour soi et l’aliénation consumériste. Cette extension est notamment urgente pour faire reculer la privatisation de l’eau et pour le droit au logement. La création de coopératives de logements doit être encouragée.
La reconquête de la maîtrise publique de l’eau et de l’assainissement est également nécessaire, elle passe notamment par la mise en place de régies municipales ou de bassins. Il en va de même de la gestion foncière des terres arables en vue de lutter contre l’artificialisation des sols, et pour favoriser l’agriculture paysanne et biologique.
Des initiatives sociales collectives, non-marchandes, peuvent aussi être soutenues par contractualisation avec des collectivités territoriales. Ce peut être des écoles associatives en langues des régions, dans la perspective d’une prise en charge progressive par l’Ecole Publique, des crèches parentales, des centres de soins autogérés. Dans le domaine de l’énergie, par exemple la création des centrales villageoises. Des secteurs de l’économie sociale et solidaire ou des activités culturelles peuvent de même être soutenus
L’appropriation sociale, publique, nécessite une dynamique de propositions et de mobilisation.
La reconquête, l’élargissement des services publics, prendront des formes diverses, dont les fils conducteurs seront écologiques et sociaux.
La mobilisation pour l’élargissement des biens communs nécessite un front social et politique très large, une participation active de la population, une élaboration participative pour la conquête de droits nouveaux (logement, santé, éducation etc).
Syndicats, associations, collectifs unitaires, mouvements politiques : tous doivent se retrouver pour les solidarités sociales et territoriales, et pour la mise en place d’une véritable transition écologique.
Alternatives & Autogestion, 2015-2017