Beaucoup d’entre vous connaissent déjà le rôle essentiel joué par les dispensaires sociaux autogérés. Nés il y a déjà cinq ans de la crise humanitaire consécutive aux mémorandums, ils sont de plus en train de réaliser une expérience sociale et politique majeure d’autogestion.
La proposition faite par l’UE de leur attribuer un prix pour leur travail a été accueillie avec la colère de ceux dont l’orgueil et la conscience politique se sont sentis blessés.
Communiqué de presse
Le 5 octobre 2015
Au début de l’été dernier, nous avons appris que l’eurodéputé grec D. Papadimoulis avait proposé le Dispensaire social d’Elliniko pour le Prix du citoyen européen 2015, décerné par le Parlement européen, en reconnaissance de notre action et de notre combat. Notre candidature, jumelée avec celle de la Cuisine sociale « L’autre être humain », a été retenue par la chancellerie du Prix du citoyen européen, et il nous a été communiqué que le prix serait remis lors de deux cérémonies, dont l’une se déroulerait à Athènes le 11 septembre et la seconde à Bruxelles les 14 et 15 octobre. Deux organisations de presque chacun des pays de l’Union européenne se verraient remettre ce prix ; nous serions 47 organisations au total.
Dès le premier instant, nous avons diffusé un communiqué de presse et informé les amis qui nous lisent que cette récompense était en soi très étrange, puisque notre structure a été créée en conséquence de l’austérité rigoureuse qui a été infligée à notre pays par les mémorandums – implacablement imposés par l’Union européenne elle-même – et qui a entraîné l’effondrement du système public de santé grec, lequel souffrait déjà de nombreux problèmes, au lieu d’indiquer la voie de changements pour améliorer sa qualité. En fait, ce sont les 40 Dispensaires sociaux de toute la Grèce qui, par leur fonctionnement exemplaire, montrent la voie en ce sens. Quant au Parlement européen, il n’a rien fait pour arrêter cet ouragan.
Ces réflexions, mais aussi toutes les conséquences tragiques que nous vivons au quotidien avec nos patients – dont certains sont morts faute de soins, parce qu’ils n’étaient pas assurés – nous interdisaient d’accepter un tel prix.
Au terme d’un processus laborieux de dialogue systématique au sein de notre collectif, nous avons décidé, à l’assemblée générale du 9 septembre, de ne pas accepter le prix, mais d’assister à la cérémonie, de manière à faire connaître les raisons de ce refus. C’est ainsi que, le 11 septembre, nous nous sommes rendus à la cérémonie organisée au bureau du Parlement européen à Athènes. Nous y avons expliqué poliment, dans un exposé de 14 minutes (qu’on peut entendre ici : https://www.youtube.com/watch?v=WvFuV-t02Mc), les principales raisons pour lesquelles nous ne pouvions accepter ce prix. Les eurodéputés grecs présents, Mme Kuneva, M. Papadimoulis et M. Kyrkos, montrèrent clairement qu’ils comprenaient les raisons de notre refus et nous assurèrent que nous pourrions nous rendre également à Bruxelles pour les y exposer.
Le 23 septembre nous parvenait un courriel de M. Papadimoulis nous informant que l’eurodéputée Sylvie Guillaume, présidente du comité d’attribution du prix, lui avait déclaré que, dès lors que refusions de recevoir le prix, il n’y avait aucune raison pour que les frais de déplacement de notre représentant à Bruxelles soient pris en charge. Nous avons informé M. Papadimoulis que, si le problème était celui des frais, nous les paierions nous-mêmes.
M. Papadimoulis envoya un courriel de réponse à Mme Guillaume, soulignant que notre décision de refuser le prix était liée à l’imposition de l’austérité dans notre pays, cause d’une crise humanitaire ; il demandait que nous participions à la cérémonie de remise comme il avait été initialement prévu.
Quelques jours plus tard, M. Papadimoulis nous informa par téléphone que Mme Guillaume avait tranché : si nous voulions y aller, nous le pouvions – nos frais seraient même pris en charge -, mais que nous sachions bien que les noms des deux organisations grecques lauréates ne seraient pas communiqués ; et que, naturellement, on ne nous donnerait pas la parole pour nous adresser à l’ensemble des participants.
Nous avons alors expliqué à M. Papadimoulis que nous voulions avoir la réponse de Mme Guillaume par écrit ; ce qui n’a bien entendu pas été le cas.
Est-ce cette Europe-là que représente Mme Guillaume – celle qui dissimule sous des manifestations festives « l’autre » face, la paupérisation des peuples d’Europe ; celle des chantages et de l’humiliation ? Cette Europe, nous la lui renvoyons, et nous lui répondons simplement avec les mots du grand écrivain grec Nikos Kazantzakis : « Il n’y a pas d’idées – il n’y a que des hommes qui portent les idées – et celles-ci revêtent la stature de l’homme qui les porte. ».
Nous n’acceptons pas les ultimatums et les chantages. Nous irons à Bruxelles. Nous y serons pour informer le plus grand nombre de personnes possible sur les politiques cruelles appliquées dans notre pays. Parce que tel est le rêve de certains : faire en sorte que la vérité soit rendue inaudible. Cela, ils n’y parviendront pas. Leur attitude intolérable et humiliante prouve de manière éclatante à quel point nous avons raison de refuser ce prix.
Trois millions de nos concitoyens exclus de l’assurance maladie vivent chaque jour la dureté et le caractère odieux des politiques inhumaines défendues par les institutions de l’Union européenne ; ils démentent malheureusement tous ceux qui prêchent l’évangile de la soi-disant Europe des valeurs et des idéaux. L’Europe qui se construit n’a aucun rapport avec la conscience sociale et la démocratie… non, absolument aucun rapport. Si c’était le cas, elle ne laisserait pas des familles vivre sans électricité ni eau, des nourrissons souffrir de la faim, des familles être expulsées de leur logement ni des malades du cancer mourir lentement faute de soins.
Nous, citoyens, nous voulons l’Europe des peuples et de la solidarité. Et, cette Europe, ce sont les citoyens européens qui nous aident matériellement et nous assistent par des actes, et non par de belles paroles et des prix, qui ont commencé à la construire.
Dispensaire Social Solidaire Métropolitain d’Héllenikon
(lundi-jeudi, 10:00-20:00, vendredi 10:00-19:00) et (samedi 10:00-14:00)
Adresse: εντός της πρώην Αμερικανικής βάσης
(δίπλα στο Πολιτιστικό Κέντρο Ελληνικού, 200 μέτρα από την Τροχαία Ελληνικού)
Site: www.mkiellinikou.org
(traduction par Sylvie Herold , militante du collectif Grece -France Solidarité Santé )