Voici la version intégrale de l’entretien publié en page 15 de NRVV n°6
GG Bonheur et Alexis Chansons Inutiles du groupe Bonheurs Inutiles sont venus chanter des bêtises, des « chansons rigolotes mais qui servent à rien » le 39 mars (8 avril) dans le cadre des Nuits Debout nantaise, l’occasion pour NRVV de les rencontrer.
NRVV : Est-ce que vous pouvez vous présenter pour commencer ?
Alexis : On s’appelle Bonheurs Inutiles et on chante des bêtises. On s’est rencontré, on chantait déjà des bêtises chacun de notre côté. Moi je m’appelais Alexis chansons inutiles et lui s’appelait GG bonheur, les gens se sont mis à m’appeler Alexis inutile, j’aimais pas trop mais je me suis habitué.
NRVV : Vous faites des chansons inutiles mais engagées quand même ?
GG : Non jamais engagées. En fait on discute de sujets lourds en disant des conneries. Y a des sujets qui sont totalement inabordables si tu les prends au premier degré comme la violence conjugale.
Alexis : Ou la guerre, si tu fais une chanson pour dire « la guerre c’est du sang et des larmes » les gens ils disent « ouais c’est bon » mais si tu fais une chanson pour dire « la guerre c’est trop bien, chaque fois qu’il y a une guerre ça relance l’économie, c’est génial ! « Bah ça fait marrer les gens et ça va les faire réfléchir plus sur le sujet si tu déconnes avec ça que si t’es sérieux ».
GG : Après notre engagement il s’arrête là.
NRRV : Mais au quotidien, vous vivez de façon engagée ?
Alexis : Pas forcément dans les trucs qu’on va faire mais dans la manière dont on vit. On est pas forcément à faire des actions, quoi que…
GG: On joue sur toutes les ZAD quand même.
Alexis : Mais surtout, on est pas forcément les plus engagés dans le sens de faire des actions, mais on l’est vachement dans le sens où on vit. Y a des trucs avec lesquels on pactise pas, style bah on bosse pas.
GG : On avait pas de compte en banque jusqu’à présent et Alexis il a ouvert son premier compte.
Alexis : En fait, on s’est rencontré en 2011 et on a commencé à jouer ensemble en 2012, là ça fait 4 ans qu’on essaie de tourner un peu, et après 4 ans on en a marre de pas avoir de thunes du tout. Tu vois tu vis en squat, tu fais de la récup’ mais quand tu pars en tournée, tu vis à l’arrache et t’as jamais de thunes mais pour te payer un kebab ou un paquet de tabac et tu galères, tu reviens au bout de j’sais pas combien de semaines et tu regardes ce qui te reste, il reste 22 € 30 chacun et ça fait un mois que t’es parti, t’es fatigué et du coup, à un moment donné j’en avais marre de pas avoir de thunes comme ça. C’était soit on rentrait dans le délire de devenir professionnel, intermittent du spectacle et tu demandes un cachet et tu rentres dans une logique comme ça en fait de courses à la thunes, soit tu vas voir l’assistante sociale et tu lui dis « j’ai pas d’argent, maître, touchez ma bosse » et en fait entre remplir les paperasses d’intermittent du spectacle et remplir les paperasses de l’assistante sociale, bah les paperasses de l’assistante sociale, y a moins de paperasses pour plus de thunes, donc du coup, quant à choisir, si on est vraiment obligé de faire des paperasses autant en faire le moins possible pour le plus de thunes possibles, donc voilà. Du coup GG il a pas encore réussi.
GG : En fait on s’est laissé deux mois pour faire la paperasse et compagnie, et je suis revenu j’ai fait « je suis désolé, j’ai rien branlé » et lui il m’a dit « bah moi je touche du social connard ha ha ha »
Alexis : Et moi en plus je suis Suisse et lui il est de Lille
GG : D’ici septembre ils arrêteront de lui donner et moi je vais y aller. Et si ça peut nous permettre de jouer sans se prendre la tête avec le chapeau comme ce soir où c’est quand même un truc d’action …
NRRV : Et par rapport à ce soir, est-ce que pour vous c’est important de se retrouver dans ce mouvement là ?
GG : Je pense que toute lutte est bonne, ça pourrait aller plus loin mais c’est déjà un endroit où on peut se retrouver, discuter et se créer des amis et des amitiés aussi dans la lutte et je pense que c’est bien de jouer ici et de soutenir et même de participer, après, moi les discussions où faut lever le doigt, ça me pète les couilles.
Alexis : Ça dépend de quoi ça parle, aussi quoi.
GG : Y a plein de gens qui ont besoin d’un espace pour s’exprimer et on en a pas en ce moment, et je pense que ça c’est bon et toute lutte est bonne à prendre. Qu’on soit dans une lutte ou dans une autre. En fait la lutte, elle est globale et en partant de ce principe là ouais on est content de jouer ici et ce soir et peut être d’éveiller et…
NRVV : Y a une bonne partie du set que vous avez fait qui est assez engagé les gens au début qui continuaient à discuter ils sont venus
Alexis ; J’ai vu une mamie qui est partie pendant « les gens normaux »
NRVV : Moi j’en ai vu une arriver et qui est restée
GG : Je trouve ça triste ce rapport qu’on a entre nous à rester entre gens de même âge et je crois qu’il y a pas d’âge et y a certains blocages où justement, du style on a joué à THT, du côté de Gap, où c’était intergénérationnel. Y a des jeunes et des vieux, donc en fait on va tous ensemble…
Alexis : Ils ont fait une manif qu’était géniale avec pleins d’enfants, des vieux, plein de jeunes, plein de punks, toute la gamme.
Féfé (public): Dans ce genre d’orga, souvent c’est des gens qui sont déjà hyper militants.
Alexis : Ouais, si t’es trop extrême militant tu vas faire peur aux gens normaux qui passent par là, ça peut faire peur aussi qu’ils voient des mecs en train de discuter de philosophie super profonde, super poussée, sur, j’sais pas, le changement de monde et tout ça et y a un « gens normal » qui pige rien à rien, qui sort du taf et ben il voit ça il se dit : « salut les gars, je vais vous laisser, la secte et tout ça, j’ai des potes moins de Jéhovah qui sont moins extrêmes que vous ». En même temps ces gens-là ils ont raison parce que aujourd’hui, parce que moi j’espère, GG il espère pas trop
(GG : Avec Alexis lui c’est (l’alter lulu et moi je suis le communiste) ha ha ha )
Alexis : Mais moi j’espère que ces prochaines années y a un truc qui va vraiment se passer parce que c’est clair, le truc qu’on a vraiment en commun avec les gens qui font ce genre de luttes eh ben c’est clair on vit dans un monde, c’est l’aberration la plus énorme qui soit. Ce qu’on arrive à nous dire à la télé ou des trucs comme ça sur tel président qu’a donné la légion d’honneur ou j’sais pas quoi, ce genre de truc c’est dément, c’est un film de science fiction. Y a 15-20 ans la plupart des gens pensaient que le système c’était assez bien comme ça, on était une poignée d’anarcho à dire qu’il y avait un problème mais maintenant, à l’heure d’aujourd’hui faut vraiment être un peu bête dans sa tête pour penser que le système il est bien, on a de la chance, et heureusement que y a les chefs d’états, le président pour organiser la société. Le mec qui pense comme ça aujourd’hui, il a un problème mental, c’est pour ça que maintenant même des gens comme ma mère, elle est Suisse-Allemande …
GG : Mais elle est sympa quand même…
Alexis : Mais c’est une personne très droite qui a toujours respecté les lois, comme quelque part un « gens normaux » après je vais pas insulter ma mère non plus, faut pas déconner, mais maintenant même des gens comme ma mère, à notre époque ils disent : « mais putain, on se fout de notre gueule, on nous a vendu du rêve et en fait on se fout de notre gueule, on nous arnaque sur toute la ligne, on nous ment et c’est du n’importe quoi ».
NRVV : Est-ce que tu crois que des gens comme ta mère, grâce aux chansons de BI, ils peuvent se poser des questions ?
GG : Justement nous, on a remarqué que jouer devant les punks, les militants anarchistes, c’est rigolo, on passe des bonnes soirées mais on s’est rendu compte quand on joué à Aurillac ou dans des fêtes de quartiers, bah y a des gens normaux qui viennent nous dire merci avec un grand sourire, ils viennent nous faire des bisous à la fin du concert et nous disent : « ah vous êtes marrants, vous êtes cons et vous dites pas que des conneries » ou « mais c’est pas inutiles vos bonheurs ! »
NRVV : Ça touche qui en fait ?
GG : Nous déjà ça nous touche de chanter ça et de passer ce message là et des fois quand je suis seul et que je suis un peu triste je repense aux gens qui ont le sourire devant nos concerts et rien que faire sourire les gens, mais chez les anarcho-punks qui rigolent jamais au moins je me dis y a un truc quand même, je me sens moins inutile à faire « les bonheurs inutiles » que certains qui travaillent dans une usine de merde, qui détestent leur boulot, qui fabriquent des films plastiques, ça va, on est pas pire !
Alexis : Sinon pour en revenir au fait qu’on change les gens dans les gens normaux surtout moi à la base, parce qu’on a des chansons un peu différentes. GG il avait plus des chansons qui voulaient chanter aux punks, il aimait chanter dans des squats, posé sur le bar. Et moi je jouais avec un micro et les textes je les adaptais vraiment pour jouer devant des gens normaux et c’est eux que je voulais toucher, moi j’en ai rien à foutre, même souvent l’intérêt c’est de percuter les gens, parce que quand t’as des chansons à texte et que t’as des choses à dire, bah tu vas pas les dire à des gens qui pensent déjà ce que tu vas dire, ça n’a aucun sens à part pour rigoler.
GG : Moi je faisais des chansons sur les punks et je parlais aux punks et aux anarchistes et je leur mettais leurs quatre vérités dans leur gueule mais dans la mienne en même temps.
Alexis : Une fois ça m’est arrivé, dans le Morbihan, où je jouais tout seul, on faisait un peu les mêmes chansons, et je vois une mamie, enfin elle devait avoir 50 ans peut-être un peu plus, elle était avec ses bottes et son ciré jaune, elle m’avait vu jouer dans le bar, elle était venue vers moi après le concert, les larmes aux yeux et elle a fait « c’est trop bien, ce que tu dis c’est important, moi ça me réveille, ça me fait du bien, on vit dans un monde de merde, un monde dur »
NRVV : Vous avez de l’ambition en fait…
Alexis : Alors nous, l’ambition qu’on a avec notre groupe, c’est d’être les premiers gens au monde à devenir milliardaires en faisant du prix libre !
NRRV : Et vous avez fait d’autres nuits debout, vous allez en faire d’autres ?
GG : On a joué à Rennes hier et y a deux jours.
Alexis : On a joué hier au blocage de Rennes, et si y a des Rennais qui lisent cette interview : merci à vous c’était un très grand moment.
GG : On a fait le meilleur concert qui s’est passé en Europe.
Alexis : Le meilleur concert acoustique d’Europe de ces 10 dernières années, y avait 400 personnes, acoustique, sans micro, une guitare, deux chants devant 400 personnes qu’étaient attentives, qu’entendaient tout jusqu’au en haut de l’amphi, c’était incroyable, on a adoré, les gens aussi, y a plein de gens qui sont venus nous dire qu’ils avaient adoré.
NRVV : Qui vous a invités ?
Alexis : C’est les étudiants qui ont bloqué la fac de Rennes et là, à l’occasion du blocage, ils ont organisé un concert avec de la techno, du punk, du machin et ils nous ont invités à jouer, on a joué en premier devant l’amphithéâtre plein.
GG : On a parlé, on a pris la place du professeur ♫ les portes de l’université, sur nous se sont refermées ♫. Alors hier quand on s’est assis on s’est dit « oh c’est la première fois qu’on est assis dans un amphithéâtre d’université » et puis on a pris la place du professeur. C’était trop bien.
NRVV : Sinon vous avez fait déjà deux albums. Vous en avez un autre en préparation ?
GG : On a de quoi, on a plein de chansons à enregistrer, mais faut qu’on arrive à se choper. Mais il nous reste 700 CD encore à vendre, on les vend, on les donne, ça devrait aller vite. On les sortira certainement quand on aura plus de CD à vendre.
NRVV : Et les nouvelles chansons, ça parle de quoi ?
GG : Bah on en a plein, y en a une sur Monsanto, c’est trop bien Monsanto, y a « le lundi, je mange, le mardi je dors », ça raconte un peu nos vies de drogués. Et y a plein de vieilles chansons qu’on a pas enregistrées, qu’on joue tout le temps et c’est marrant c’est que y a des vieilles chansons qui vont se retrouver sur le nouvel album.