Frontières : contre le rejet et la répression, pour la libre circulation

Communiqué du Syndicat de la Magistrature. télécharger

(motion adoptée à l’unanimité, au 51è Congrès du Syndicat de la magistrature, à Nice, le 26 novembre 2017)

 

La frontière n’a pas disparu : si les citoyens occidentaux peuvent l’ignorer, et si elle est perméable

aux flux financiers et aux biens de consommation, elle oppose toute sa brutalité aux autres et se diffuse sur tout le territoire préfigurant pour tous un régime de police.

La frontière n’a pas disparu non plus du discours politique : la rhétorique humaniste dissimule mal les appels à la fermeté, leurs traductions juridiques actuelles ou en germe et la violation au quotidien dans les pratiques des quelques droits résistant à l’ardeur législative.

Sous le vernis, le discours macronien aux préfets manie rejet et reconduite, à tout prix et au plus vite. Les réalités humaines sont appréhendées comme des flux à gérer : évacuer sans perte de temps la prétendue « crise migratoire ». En présentant les migrations sous l’angle de l’abus, de l’escroquerie parfois voire, d’une manière indigne, du terrorisme le gouvernement pollue sciemment le débat public. Le ministre de l’intérieur a ainsi donné en octobre 2017 consigne de placer en rétention et de reconduire massivement les personnes étrangères après le crime commis à Marseille par une personne en situation irrégulière.

La fermeture s’enracine juridiquement : accords déléguant à d’autres, hors de l’Union européenne, le contrôle des frontières, accords dits de « réadmission » autorisant des renvois inhumains vers des pays prétendument sûrs, accords du Touquet par lesquels la France cède au chantage britannique et décision de rétablissement des contrôles aux frontières internes contre la libre circulation. Sur le territoire, c’est un droit d’exception qui se déploie, organisant les pouvoirs exorbitants de l’administration en matière de contrôle, de surveillance et d’enfermement des personnes étrangères. Un laboratoire de la toute-puissance étatique, à peine entravée par un contrôle du juge auquel l’administration sait rappeler ses intérêts, par exemple en imposant la tenue des audiences sur le tarmac. Allongement de la durée de la rétention administrative, accélération des reconduites : les orientations du projet de loi immigration annoncé pour 2018 sont celles d’une intensification des refoulements et enfermements, faisant passer au second plan les droits fondamentaux.

En violation de la Convention internationale des droits de l’enfant, les enfants n’échappent pas à cette logique de « gestion des flux ». L’État s’affaire à organiser leur sortie du champ de la protection de l’enfance, tristement préfigurée par les centres d’accueil et d’orientation pour les mineurs isolés (CAOMI) créés lors du démantèlement de la jungle de Calais. Faute d’attribuer aux départements les moyens d’exercer leur mission d’accueil et de protection, le gouvernement s’apprête à renforcer le traitement discriminatoire de ces jeunes.

Au-delà, de Calais à la vallée de la Roya, en passant par le Briançonnais, les violations des droits et le détournement des procédures deviennent la norme. Contrôles répétés relevant du harcèlement, utilisation dévoyée de réquisitions de contrôles d’identité pour éviter des « points de fixation » en empêchant des distributions de repas ou d’eau, mobilisations massives des forces de l’ordre et de leur arsenal. Alors que les drames se multiplient sur les voies de l’exil, ils se prolongent sur notre territoire faute d’accueil digne des étrangers en perdition.

Celles et ceux qui, refusant l’infamie, suppléent l’État dans sa mission de protection sont traduits devant les tribunaux pour répondre de leurs actes de solidarité. En 2017 encore, de trop nombreux citoyens ont été condamnés, leur action étant réprimée, au mépris du droit et au prétexte que leur militantisme vicierait l’aide apportée.

Pourtant, il appartient au juge de remplir sa mission pour faire respecter les droits des exilés.

Réuni à Nice en Congrès, le Syndicat de la magistrature :

  • revendique la libre circulation des personnes
  • dénonce les accords qui externalisent la frontière et délèguent les pouvoirs de contrôle au mépris des droits fondamentaux et notamment du droit d’accès au juge
  • condamne l’enfermement des étrangers et tous les dispositifs dérogatoires
  • dénonce la répression des exilés et des aidants solidaires
  • revendique, pour les mineurs étrangers, le retour au droit commun de la protection de l’enfance et le respect de la Convention internationale des droits de l’enfant
  • appelle le gouvernement à renoncer à son nouveau projet de loi immigration. 

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