De retour de Guéret

Un de nos camarades nous envoie cette note à son retour du rassemblement de Guéret

La Creuse : comment éviter l’asphyxie ?

La balade sur le plateau de Millevaches

Mon séjour en Creuse a commencé par des promenades à pied sur le plateau de Millevaches aux alentours de Crocq. Le pays, ondulé, est divisé en petites parcelles de forêts, de cultures de céréales et de quelques prés broutés par des vaches ; l’ensemble formant un damier. Sur des routes étroites et sinueuses on rencontre des hameaux mais quasiment pas de village. Cependant, aucune maison ne tombe en ruine. Les vieilles person-nes meurent les unes après les autres et les jeunes partent ; si bien que le pays se vide. Telle secrétaire de mairie nous a confié que la commune sur laquelle elle travaillait a vu en 20 ans sa population chuter de 200 à 150 habitants. Comme dans d’autres communes, l’école d’un seul tenant avec la mairie est fermée. Si des personnes s’installent dans la région pour jouir de la nature ou pour reprendre un café-restaurant, certaines d’entre elles déchantent. En effet, la vie culturelle est nulle et les clients du café-restaurant trop rares.

La baisse des dotations de l’État aux collectivités locales n’arrangent rien. La secrétaire de mairie nous a expliqué que, vu le niveau de vie de la population, la municipalité ne peut pas se permettre d’augmenter les impôts locaux pour compenser cette baisse. Si bien qu’elle ne peut plus embaucher pour faire les travaux communaux ; ces derniers étant désormais accomplis bénévolement par les conseillers municipaux !

À Aubusson, j’ai pu voir des librairies riches ainsi que des affiches montrant une contestation écologique : contre l’ouverture d’une mine d’or et contre le projet de ferme-usine à la Courtine.

 

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Le rassemblement de Guéret

La seconde partie de mon séjour dans la Creuse a consisté en ma participation au rassemblement des 13 et 14 juin à Guéret pour la défense des services publics. Ce rassemblement faisait suite à celui qui eut lieu dix ans plus tôt sur le même thème. Il a consisté en des forums, des stands, une manifestation de rue et des concerts.

Si Guéret fut de nouveau choisi comme lieu de rassemblement national c’est bien parce que le département dont elle est la Préfecture est particulièrement touché par la dégradation des services publics. De nombreux témoignages lors des forums ont abondé dans ce sens, notamment en matière de santé, où l’on ferme, les uns après les autres, les services de proximité et où l’on réduit le personnel. De plus, on précarise ce dernier : au niveau national, 30% du personnel de la fonction publique hospitalière est précaire. Il a été dénoncé le fait que les médecins ne voulaient pas venir exercer dans la Creuse ; ceux-ci n’y trouvant pas une qualité de vie à leur convenance. Les Maisons de santé, créées pour tenter de remédier à cette pénurie, ont été qualifiées de structures balbutiantes. Le désert sanitaire qui s’instaure a de graves conséquences sur la santé des gens : on compterait nationalement chaque année 18 000 morts dus à l’éloignement ou à l’encombrement des centres de soin. Les infirmiers de l’AP-HP1 ont fait part de leur lutte pour le maintien des 35 heures ; chacun étant conscient que la tentative de remise en cause des 35 heures dans cet hôpital-ci est un test avant la généralisation. Ont été vilipendés la baisse des crédits alloués à la santé publique (3 milliards d’euros pour les trois prochaines années, soit 50 € par habitant) qui asphyxient les hôpitaux.photo-Gueret2

Le second service public malmené dans la Creuse est le chemin de fer. Les projets de fermeture totale des lignes Bordeaux-Lyon et POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse) visent particulièrement la Creuse. Elles entrent dans le plan global de la SNCF de laisser tomber le Massif central, notamment les lignes transversales. Pour arriver à la fermeture de lignes, la stratégie de la SNCF est de nous faire éviter de les emprunter par le biais de son information électronique tronquée. Ainsi, quand j’ai cherché à acheter mon billet Guéret-Grenoble à un guichet automatique, celui-ci me faisait passer par Paris, alors qu’à une heure de départ proche il était possible de passer par le centre de la France en mettant deux heures de moins et en payant nettement moins cher ! Et ensuite, la SNCF a beau jeu d’affirmer que ces lignes sont inutilisées, donc bonnes à fermer !

Beaucoup d’autres sujets ont été abordés : la néfaste baisse des impôts sur les riches, le dangereux TAFTA2, l’Europe libérale, la situation en Grèce ou en Espagne.

Dans les débats, si les noms d’Hollande et de Vals n’étaient pas prononcés, ils étaient souvent sous-entendus. Souvent, les élus locaux ont été considérés comme des relais potentiels du mouvement revendicatif. La mairie de Guéret, bien que de même tendance politique que le Président de la République, a bien soutenu par ses services le rassemblement.

Les débats se sont clos par la lecture, en séance plénière, de « l’appel de Guéret » qui fut une très bonne synthèse des débats et qui fut longuement applaudi.

Les stands des organisations syndicales, politiques et associatives permettaient de compléter l’information et les échanges.

La CGT a été l’organisation qui a le plus mobilisé pour ce rassemblement. Les autres organisations bien présentes étaient Solidaire, la FSU, le PC, le PG, Ensemble ! et secondairement le NPA, EELV, ATTAC, le PCOF et la Confédération paysanne. Des cars provenaient de différents coins de France. Parmi les participants, force est de constater la faible participation des jeunes et des chômeurs. En revanche, la parité sexuelle était très satisfaisante.

C’est le samedi 13 après-midi qu’a eu lieu la manifestation dans les rues de Guéret. Selon moi, nous étions environ 8 000. Les banderoles et les drapeaux étaient nombreux. Sur l’une des pancartes était écrit : « 2005 des boules de neiges. 2015 des pavés ? » ; la manifestation de 2005 s’étant déroulée sous la neige avec la présence du député François Hollande.

L’ambiance du rassemblement de Guéret version 2015 a été très conviviale. Aussi bien dans les forums que lors des repas, on échangeait facilement avec ses voisins que l’on ne connaissait même pas. Ce genre de rassemblement est aussi l’occasion de revoir fortuitement des personnes que l’on n’avait pas vue depuis des lustres. Au cours des forums je n’ai vu aucune empoignade. Le fait que le temps de chaque intervention était très limitée a permis à un grand nombre de personnes de s’exprimer. Ce qui n’a pu qu’enrichir les débats.

Au niveau pratique, l’organisation a été remarquable grâce à l’équipe organisatrice locale qui a été applaudie plus d’une minute en séance plénière, mais aussi grâce au fait que chaque participant mettait la main à la pâte sans qu’on lui ait demandé. L’organisation prévoyait aussi l’hébergement. Ainsi, j’ai été logé chez l’habitant : dans une colocation de professeurs des écoles stagiaires. Ici aussi, les relations ont été très conviviales.

Juin 2015
Jean-François Le Dizès

1 Assistance Public-Hôpitaux de Paris

2 Partenariat transatlantique entre les États-Unis et l’Union européenne

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